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Surprise en son coeur fragile
Étonnée de voir
D'entendre de s'évanouir
Dans le parfum des dix mille bouquets
Sérénade Mélancolie
La plus belle fille
Sur le pavé de Saint-Denis
Regarde fumer la plaine
De souvenirs sa mémoire est pleine !
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Saint-Denis Saint-Ouen Vos montagnes
Vos savoyardes
Vos bergères restent dans mon âme
Elles y gardent mes souvenirs
J'étais un adolescent touchant
Quand je vins ici avec toute la famille
Il y avait encore des veaux et des monts
Autour de vos ruisseaux
Saint-Ouen Saint-Denis Aubervilliers
Comment jamais vous oublier
D'aucune manière c'était autrefois
Les souvenirs gardent la foi
En votre jardin pastoral
Un vacher sans chorale
Chantait pour s'éclairer la voie
Et raccourcir le temps
Asnières Saint-Ouen Nogent
Le corps au jour de son enterrement
À Pantin cimetière parisien
Frissonne moins de froid
Rappelle-toi nous allions ensemble
Au cinématographe au cirque
C'était le temps d'une autre fois
Cent sous sont restés là-bas
Je pense à eux dans ma nostalgie
Le temps sait de quoi il s'agit
Lui qu'on accuse quand les mères meurent
Et que les vieilles demeures demeurent
Les dernières demeures demeurent
Dans leur jardin de cailloux blancs
Il est des cygnes sur les étangs
Des canards bleus des canards blancs
Des chansons nettes des domestiques prévoyants
Des conteurs d'histoires des joueurs d'argent
Le purgatoire et les limbes
Pour les trop jeunes enfants
Donne-moi raison
Reconnais ton tort
Restons enlacés comme souffle le Nord
Sur nos lits glacés
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Sérénade est la fleur des champs
C'est la reine des marguerites
Son parfum est débouchant
Sa couleur coule de source
Sérénade est le polen dans le vent
La semence même du printemps
L'amoureuse de toute la semaine
Elle s'étend sur le monde
Son oiseau dans son sillage
Son sac de voyage
La lune avec elle la nuit
Toute l'eau de la pluie
Et l'enfance aussi pourquoi pas
(Nous l'emmenions avec nous
À l'école maternelle
Au chirurgien dentiste)
L'enfance et ses abeilles bleues
Et ses fleurs qui durent si peu
Son or et son argentement
Et son rire luisant
L'enfance guêpe bleue de l'hiver
Quand la rose évapore l'air
L'enfance fleur de sapin noir
L'enfance arôme d'armoire
L'oiseleur bleu et la pie blanche
Le marieur des poupées franches
Le maître-nageur des bluettes
La porte ouverte la Muette
L'arc-en-ciel tout ce qu'il faut
Pour que la vie avec sa faux
Prépare le champ que la mort
Viendra fumer de ses trésors
L'ardente cheminée d'usine
La poix la livre de cuisine
L'arpentement du géomètre
Le poème du kilomètre
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Nous avions poussé sur la vie
Pour la faire sortir du garage
Comme elle démarrait toujours pas
Nous sommes venus chez vous à pied
Un trèfle jaune nous souriait
Un oiseau fier donnait l'alarme
C'était la vie et tous ses charmes
C'est la douce vie qui finit
C'est l'autobile du vieux sage
Qui ne sort jamais du lavage
Automatique en bord de route
C'est le bonheur sans aucun doute
C'est l'été chantant sous les arbres
C'est l'été chanteur de mélo
Quand l'automne vient sous les arbres
Lui demander de dire un mot
C'est l'a-oût et c'est l'a-oûtienne
Les îles aléoutiennes
Le poire et la poireau
C'est l'amour toujours nouveau
C'est pas la peine d'aller plus loin
C'est trop de peine trop de soin
Trop d'amour venu de quelque coin
De campagne verdissant trop bien
C'est toi et moi qui faisons nous
C'est une et un qui font plus de deux
C'est la vie la mort l'amour
C'est toujours ça de pris
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J'ai épuisé l'eau des larmes et des fleurs
Maintenant j'ai besoin qu'on me caresse
Je suis le vengeur de la peine
Maintenant chaque regard détruit un arbre
Chaque printemps fleurit une rose en moins
C'est le déluge et c'est l'angoisse
Et c'est la vie
Paris, Printemps-été 1991